la contribution de François le Ménahèze

Retrouvez ses nombreuses publications sur son blog <http://lemenahezefrancois.eklablog.com>

1. Pourquoi la coopération en classe vous semble-t-elle importante ? Quels arguments mettriez-vous en avant pour convaincre des enseignants de s'y engager ?

La coopération en classe, à l’école me paraît non pas importante mais essentielle si nous voulons former de futurs citoyens responsables, autonomes, solidaires.

C’est l’enjeu politique de l’Ecole. Elle favorise de nombreuses attitudes, comportements et savoirs, notamment le fait d’agir et de penser à plusieurs, montrer qu’on est plus forts intellectuellement, et même physiquement, à plusieurs.

Elle permet d’échanger, de confronter attitudes, savoirs, les éprouver à l’épreuve de l’action commune afin de pouvoir en entendre d’autres pour pouvoir s’ouvrir, voire évoluer au regard de cette coopération.

Elle permet notamment grâce à l’entraide (voir ma recherche en M2 sur
l’entraide sur mon blog) d’apprendre mieux, de résoudre les difficultés
ponctuelles qui se dressent devant moi, etc.

 La coopération donne un sens à la vie. Elle renforce les enjeux collectifs et lutte contre notamment le débordement individualiste actuel de notre société.

2. Tout changement de pratique pédagogique suppose de renoncer aux habitudes et aux valeurs des précédentes. Quels sont les deuils à faire, en tant qu'enseignant, lorsqu'on engage ses élèves vers davantage de coopération en classe ?

Il faut sans aucun doute faire le deuil de l’institution. Accepter qu’elle ne porte plus les valeurs qu’elle devrait porter...et que soi-même on se retrouve seul face à cela. Heureusement, la construction du collectif doit prendre la relève (collectifs pédagogique, militant, syndical…)

Faire également le deuil des pratiques véhiculées par son parcours scolaire et par sa « con » formation.

3. Faut-il instituer des moments précis consacrés à la coopération et à la
valorisation des relations dans l'horaire de la classe ou est-ce mieux de profiter des opportunités qui se présentent au fil des jours et au gré des circonstances ? Partant, quel équilibre trouver pour les temps de coopération dans l'emploi du temps de la semaine de classe ?

Je ne pense pas qu’il faille saucissonner la coopération... car il s’agit d’un état d’esprit, d’une valeur qui est véhiculée à travers le quotidien de la classe, de la vie de l’école.

Tout devient coopération. Il n’y a pas non plus d’équilibre à trouver...peut-être lors de la phase de démarrage lorsqu’on ne veut pas comme disait Freinet « lâcher les mains avant d’avoir assuré les pieds ».

Il faut en effet profiter du contexte, des circonstances. Mais il faut aussi pouvoir les provoquer, partir d’une école quand rien n’est possible, chercher des contextes plus favorables.

4. Dans certains groupes classes, la coopération semble assez facile à installer car le climat relationnel est déjà positif. Dans d'autres, par contre, cela semble impossible tant les tensions, les rivalités et les disputes sont présentes au quotidien. Que faire dans ce cas ? Par quoi commencer ?

Rien n’est impossible. Par contre il est vrai que dans certains contextes, cela est plus long, fait de hauts et de bas, d’allers et de retours. Ne pas se décourager.

Croire en l’éducabilité. Pas facile dans les contextes difficiles mais essentiel. Je pense qu’il faut commencer par libérer l’expression par toutes les techniques d’expression libre.

Présenter les productions, les échanger, les confronter, les valoriser...ce qui permet de valoriser ceux qui présentent...En espérant l’effet boule de neige.

Libérer donc par le travail vrai, authentique, les rendre auteurs. Entendre leur parole. Et donc faire vivre le coopération. Et ensuite on peut attaquer par le conseil, le fait de mener des propositions, de prendre des responsabilités, de gérer les problèmes évoqués, avec distance, recul ...

5. La coopération est-elle réellement bénéfique pour tous les enfants d'une classe ?

Oui, plus ou moins. Sans doute plus pour ceux qui en ont besoin vitalement pour pouvoir s’exprimer, devenir soi, se libérer...peut-être moins pour ceux qui se sentent déjà solides, fiers d’eux...encore que ! Car on introduit le doute à ces enfants.

6. Certains enfants aiment travailler seuls. Faut-il les contraindre à coopérer ?

La coopération ne s’oppose pas au travail seul. Nous sommes sur des
alternances de temps. Un enfant peut avoir besoin de travailler seul, sans
entraide, sans gêne.

La vie coopérative d’une classe permet de l’accepter. Montrer à travers le quotidien que chacun possèdes son rythme, ses démarches, sa différence…

On ne contraint pas ...on les amène au fur et à mesure à vivre la coopération, à plus ou moins haute dose. Ils doivent voir eux-mêmes que la coopération apporte un plus...

7. Apprendre à coopérer, est-ce possible dès la maternelle ? L'enfant de moins de 6 ans n'est-il pas encore trop égocentrique comme l'a montré Piaget ? Selon vous, y a-t-il une progression à respecter ?

... Peu de pratique à ce niveau
Les travaux de Piaget sont actuellement remis en question à ce niveau,
notamment par rapport aux recherches de neuroéducation.

8. Si coopérer est un apprentissage, faut-il l'évaluer ?

Il s’évalue au quotidien par le sens même de l’évaluation : car on donne de la valeur en faisant s’exprimer, présenter, valoriser. Le vrai sens de l’évaluation, quoi !

Il s’agit d’un apprentissage au long terme, jamais terminé. On franchit sans aucun doute des étapes en suivant d’abord pour certains une certaine passivité, puis une participation passive, puis active pour devenir responsable, auteur…

9. La coopération à l'école peut prendre bien des visages ... Quelles sont les pratiques qui vous paraissent essentielles ?

Vivre et faire vivre l’expression, mutualiser, organiser coopérativement la classe, via des institution telles le conseil
l’entraide : aider, se faire aider, accepter l’aide, la demander

10. Quels conseils donneriez-vous à un enseignant qui a envie de se lancer, mais n'a aucune expérience dans ce domaine ?

Faire vivre l’expression, la communication dans son groupe classe
Faire sortir ses expressions … par les présentations, conférences…
Puis faire émerger des institutions et/ou techniques de régulation du groupeclasse

11. Avez-vous des souvenirs personnels de coopération à l'école, lorsque vous étiez élève ? Ont-ils guidé votre intérêt et votre engagement actuels pour faire en sorte qu'apprendre à l'école ne se limite pas à apprendre tout seul ?

Non, aucun souvenir... c’est ce qui m’a amené à chercher des pratiques dans ce sens, à trouver Freinet, et à me lancer dans ce que je voulais pour l’école.

< C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul :