la contribution de Marianne Leterme

< C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul :


1. Pourquoi la coopération en classe vous semble-t-elle importante ? Quels arguments mettriez-vous en avant pour convaincre des enseignants de s'y engager ?


L’ambiance de classe s’en trouvera grandement impactée de manière positive, ce qui donne un contexte de travail plus agréable, libérera dès lors du temps qui aurait dû être consacré à de la gestion de conflits et pourrait même alléger la charge de l’enseignant puisque des enfants s’entraideront.


2. Tout changement de pratique pédagogique suppose de renoncer aux habitudes et aux valeurs des précédentes. Quels sont les deuils à faire, en tant qu'enseignant, lorsqu'on engage ses élèves vers davantage de coopération en classe ?


Le deuil des vieilles pratiques qui voulaient qu’on établisse des « palmarès » (des résultats) des élèves en les mettant en concurrence les uns contre les autres.

Le deuil aussi de l’idée qu’il n’y a que l’intelligence « théorique » qui soit « noble » et remarquable - oubliant que les intelligences pratique, relationnelle, artistique, corporelle en sont d’autres tout aussi importantes, utiles et respectables.


3. Faut-il instituer des moments précis consacrés à la coopération et à la valorisation des relations dans l'horaire de la classe ou est-ce mieux de profiter des opportunités qui se présentent au fil des jours et au gré des circonstances ?
Partant, quel équilibre trouver pour les temps de coopération dans l'emploi du temps de la semaine de classe ?

       
Il faut instaurer, dès le premier jour de classe, un climat général de coopération et de relations positives entre tous : entre l’enseignant et les enfants – dans les 2 sens- et entre les enfants. Les relations correctes ne se décrètent pas, elles se travaillent au quotidien et de manières tant spécifique que informelle.

Par contre il est évident qu’il faut varier les formes des temps de travail pour respecter la forme d’intelligence et le rythme d’apprentissage de chacun.


4. Dans certains groupes classes, la coopération semble assez facile à installer car le climat relationnel est déjà positif. Dans d'autres, par contre, cela semble impossible tant les tensions, les rivalités et les disputes sont présentes au quotidien. Que faire dans ce cas ? Par quoi commencer ?


Voir les réponses faites en 3 : il y a à travailler les relations dès le premier jouret tous les jours : favoriser le bien vivre ensemble, la connaissance et le respect de l’autre par des activités spécifiques et intervenir sur les conflits dès qu’ils surgissent (cfr par exemple les « écoles citoyennes »).


5. La coopération est-elle réellement bénéfique pour tous les enfants d'une classe ?


Bien sûr. Les compétences qu’ils vont développer à travers cette approche vont leur être utiles tout au long de leur vie – que ce soit dans leur vie personnelle mais aussi dans leur vie professionnelle (où le travail en équipe est quand même très fréquent).

Et sur un plan plus philosophique et moral, on peut se dire aussi que cela participe à la construction d’un monde meilleur. Notamment parce la façon dont beaucoup d’enfants sont éduqués aujourd’hui ne favorise pas chez
eux le développement de l’empathie et de l’altruisme.


6. Certains enfants aiment travailler seuls. Faut-il les contraindre à coopérer ?


Bien sûr : apprendre à coopérer est un apprentissage comme un autre. Et si on diversifie les domaines dans lesquels on développe la coopération, chaque enfant peut se trouver à certains moments en position d’aider l’autre et à d’autres en position d’être aidé par l’autre.

Mais je le répète – il faut alterner les moments de coopération et les moments de travail individuel.


7. Apprendre à coopérer, est-ce possible dès la maternelle ? L'enfant de moins de 6 ans n'est-il pas encore trop égocentrique comme l'a montré Piaget ? Selon vous, y a-t-il une progression à respecter ?


C’est possible dès la maternelle, mais bien sûr en respectant une progression : l’étape de développement cognitif et relationnel à laquelle se trouve l’enfant à 2 ans1/2 est bien sûr différente de celle à laquelle il est capable d’être à 6 ans.


N’empêche que l’entraide, la collaboration et le partage, l’empathie, etc. doivent être développés dans le collectif de la classe dès le plus jeune âge.


8. Si coopérer est un apprentissage, faut-il l'évaluer ?


Oui : en veillant – bien sûr – à ce que la forme de l’évaluation soit cohérente avec la compétence elle-même. Il faut décrire clairement les formes que peut prendre la coopération, les sous-compétences qu’elle implique et permettre à l’enfant de prendre conscience de son évolution dans le domaine.


9. La coopération à l'école peut prendre bien des visages ... Quelles sont les pratiques qui vous paraissent essentielles ?


Exiger le respect de l’autre, quel qu’il soit, avec ses richesses et ses faiblesses. Varier les domaines dans lesquels les enfants peuvent se distinguer et mettre ces différents domaines sur un pied d’égalité.


10. Quels conseils donneriez-vous à un enseignant qui a envie de se lancer, mais n'a aucune expérience dans ce domaine ?


De lire, se former, se renseigner sur les bonnes pratiques qui existent. De voir si, dans ses collègues, il peut trouver des personnes avec qui en parler et développer des projets. Là où c’est possible, obtenir le soutien de sa direction.


Et faire appel aux services/ressources disponibles autour de lui : centre PMS, AMO qui pourront soit être personnes ressources, soit soutenir, soit collaborer très concrètement.


11. Avez-vous des souvenirs personnels de coopération à l'école, lorsque vous étiez élève ? Ont-ils guidé votre intérêt et votre engagement actuels pour faire en sorte qu'apprendre à l'école ne se limite pas à apprendre tout seul ?


Hélas non. Et c’est peut-être au contraire le souvenir mal vécu de cet esprit de compétition qu’on instaurait à l’école qui me pousse à susciter la réflexion dans mes écoles : j’ai toujours été très bonne élève et celle qui recevait – dès lors – mais à mon corps défendant – les « bons points », félicitations, etc. des enseignants. Suscitant la jalousie et le rejet de la part des autres élèves de ma classe. Ce que je vivais douloureusement