la contribution de Maryse Rondeau

Elle est aussi présidente ainsi à l'Université de Montréal. Son mémoire de maîtrise portait sur la coopération en préscolaire, thématique pour laquelle elle adéveloppé une expertise remarquable et précieuse.

1. Pourquoi la coopération en classe vous semble-t-elle importante ? Quels arguments mettriez-vous en avant pour convaincre des enseignants de s'y engager ?

La coopération est à la base du bien vivre ensemble et le respect est la valeur qui ressort comme étant la plus importante lorsque nous définissons ce concept.
De plus, les activités coopératives sollicitent un grand nombre de valeurs et d'habiletés sociales qui permettent aux enfants d'évoluer positivement et à leur rythme en ce sens.

2. Tout changement de pratique pédagogique suppose de renoncer aux habitudes et aux valeurs des précédentes. Quels sont les deuils à faire, en tant qu'enseignant, lorsqu'on engage ses élèves vers davantage de coopération en classe ?

L'enseignant qui veut mettre en place la coopération en classe doit accepter de lâcher prise, c'est-à-dire qu'il doit accepter de tenir compte de l’avis des enfants pour la mise en place des règles de vie, l'organisation de certains événements qui concernent le groupe classe et la gestion de problématiques vécues dans le groupe.

Le rôle d'autorité de l'enseignant demeure important, mais il est au service des décisions prises par le groupe.

J'ai souvent été impressionnée et même agréablement surprise par certaines solutions apportées par mes élèves lors des conseils de coopération. De plus, les journées spéciales (ex.: fêtes de Noël et de fin d'année) sont beaucoup plus agréables à vivre et formatrices lorsque les enfants font partis de l'organisation.

L'enseignant devra aussi faire une place au travail d'équipe et accepter d'accorder du temps à la rétroaction des habiletés sociales en lien avec ces pratiques (ex.: parler à voix basse, partager le matériel, faire chacun son tour, etc.). Il devra aussi prévoir la pratique de certaines habiletés sociales qui faciliteront le travail d'équipe par la suite.

L'enseignant devra aussi être patient et faire confiance aux capacités des enfants. Il devra se positionner comme un guide qui amène les enfants à réfléchir en ayant le respect de soi et de l'autre comme valeur de base.

3. Faut-il instituer des moments précis consacrés à la coopération et à la valorisation des relations dans l'horaire de la classe ou est-ce mieux de profiter des opportunités qui se présentent au fil des jours et au gré des circonstances ?
Partant, quel équilibre trouver pour les temps de coopération dans l'emploi du temps de la semaine de classe ?


Personnellement, j'aime bien prévoir de deux à quatre activités coopératives par semaine avec les petits de la maternelle (discussion de groupe en conseil de coopération ou non, activités coopératives vécues plus souvent à deux, mais aussi à trois ou quatre à l'occasion).

En proportion, j’accorde autant d’importance aux activités coopératives, qu’aux activités réalisées individuellement et à celles où l’enfant est libre de choisir avec qui il veut réaliser son activité.

4. Dans certains groupes classes, la coopération semble assez facile à installer car le climat relationnel est déjà positif. Dans d'autres, par contre, cela semble impossible tant les tensions, les rivalités et les disputes sont présentes au quotidien. Que faire dans ce cas ? Par quoi commencer ?


Avec tous les groupes, il est important d'accorder du temps pour bien se
connaître en début d'année. C'est l'occasion de faire ressortir des intérêts
communs, mais aussi de reconnaître en quoi un enfant se distingue des autres, en quoi il est unique. Ce type d'activités permet à chaque enfant de mieux se connaître lui-même, de s'affirmer et de s'ouvrir à l'autre.

Celles-ci peuvent donner naissance à de bons moments de partage et à de belles idées de projet (ex.: découvrir un met traditionnel de la culture d'un enfant). L'enseignant peut aussi se servir du résultat de ces activités pour former les équipes lors des prochaines activités en plaçant ensemble des enfants ayant un intérêt commun.

Lorsque le climat relationnel est tendu, il est bon de mettre en place le conseil de coopération rapidement et de l’utiliser régulièrement de 2 à 3 fois par semaine pour trouver des solutions aux problèmes soulevés. Le temps que l’on a l’impression de perdre pour les contenus académiques sera rapidement gagné lorsque le climat de classe sera rétabli.

5. La coopération est-elle réellement bénéfique pour tous les enfants d'une classe ?


Je crois que oui, j'irais même jusqu'à dire essentielle pour tous les enfants
puisque les situations coopératives permettent le développement d'habiletés sociales utiles pour la vie entière.

Certains enfants sont peu habiles à coopérer, car ils ont rarement été mis en situation de coopérer dans leur quotidien ou parce qu'ils ont eu peu de chances de réfléchir aux habiletés sociales qui permettent de coopérer avec plus de facilité et d'agrément.

6. Certains enfants aiment travailler seuls. Faut-il les contraindre à coopérer ?


Je crois que oui, mais à petite dose et en offrant un accompagnement au départ. Par exemple, lors des premières activités d'apprentissage coopératif, je privilégie la formation des équipes au hasard en utilisant un matériel tel que des cartes de jeux de Loto ou des petits objets attrayants.

Ainsi, le jumelage devient une activité en soi où les enfants ne vivent pas de pression face à la formation de l'équipe. Si un problème survient, je juge du type d'accompagnement à offrir, soit procéder à un changement entre deux équipes pour permettre à l'enfant qui refuse de travailler en équipe de choisir avec qui il voudrait travailler ou de m’investir avec l’équipe de l’enfant qui obstrue le travail d’équipe.

Lorsque cela survient, les autres enfants comprennent la situation et acceptent d'aider l'enfant à demeurer dans une équipe.

7. Apprendre à coopérer, est-ce possible dès la maternelle ? L'enfant de moins de 6 ans n'est-il pas encore trop égocentrique comme l'a montré Piaget ? Selon vous, y a-t-il une progression à respecter ?


Une grande partie des enfants de 5 ans arrivent à collaborer avec facilité.
Lorsque la tâche est simple et passe par le corps (ex.: utiliser de la colle magique pour coller les mains ensemble afin de danser à deux, aller ramasser des objets main dans la main en respectant une consigne), ils arrivent généralement tous à coopérer et, s'ils n'y arrivent pas, cela est dû à un élément extérieur (ex.: parce qu'il manque de colle magique dans leurs mains).

Ils ne sont donc jamais en situation d'échec; ils peuvent être plus ou moins efficaces. Il est donc essentiel de se servir de leurs remarques et de celles de l'enseignant pour faire réfléchir les enfants après avoir vécu l'activité et ainsi apprendre comment travailler plus efficacement une prochaine fois.

La règle "chacun son tour" est facile à intégrer et fort utile à la maternelle. L'enseignant peut donc modifier certaines activités individuelles qu'il a déjà en banque et la faire vivre à deux en partageant le matériel et en faisant, par exemple, "chacun son tour" place une image pour associer celles qui vont ensemble et vous n'avez pas le droit de toucher les images de votre partenaire.


Selon mon expérience, j'en suis venue à dire que l'accès à la coopération n'est pas en lien avec l'âge de l'enfant, mais plutôt avec l'accès à des habiletés sociales qui facilitent la mise en place de la coopération.

J'ai rencontré des enfants d'à peine 5 ans qui avaient une excellente maîtrise de l'ensemble des habiletés sociales nécessaires à la coopération, alors que des adultes étaient peu habiles à coopérer.

8. Si coopérer est un apprentissage, faut-il l'évaluer ?


Je crois qu'il est important de porter un regard critique sur la capacité
qu'a un individu à coopérer. Ce regard doit être constructif et cibler les
habiletés sociales à travailler pour continuer à bien évoluer.

Ainsi, dans un contexte où l’évaluation est utilisée, je crois qu’il faudrait évaluer la capacité à coopérer.

9. La coopération à l'école peut prendre bien des visages ... Quelles sont les pratiques qui vous paraissent essentielles ?


La gestion participative, où l'enfant a un lieu pour exprimer ses idées
et émettre des commentaires, est selon moi essentielle pour permettre à la coopération d'évoluer.

Par la suite, plus nous plaçons les enfants en contexte de coopération et plus nous les amenons à réfléchir aux actions qu'ils posent, plus les enfants prendront conscience de leur apport pour bien vivre ensemble au
quotidien.

10. Quels conseils donneriez-vous à un enseignant qui a envie de se lancer, mais n'a aucune expérience dans ce domaine ?


Il faut se lancer en ayant toujours sous la main de bons livres de référence à consulter au besoin.

11. Avez-vous des souvenirs personnels de coopération à l'école, lorsque vous étiez élève ? Ont-ils guidé votre intérêt et votre engagement actuels pour faire en sorte qu'apprendre à l'école ne se limite pas à apprendre tout seul ?


J’ai beaucoup de bons souvenirs personnels de coopération en tant qu’élève et j’ai aussi fait un sport collectif pendant plus de dix ans. Je crois que toutes ses expériences positives ont influencé mes choix professionnels.

< C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul :