la contribution d'Isabelle Huchard

Elle partage l'organisation de sa classe sur le site www.icem34.fr (>ressources>cycle1).

1. Pourquoi la coopération en classe vous semble-t-elle importante ? Quels arguments mettriez-vous en avant pour convaincre des enseignants de s'y engager ?

La coopération entre les élèves

  • apaise majoritairement les relations de travail,
  • permet à la plupart des enfants de se rassurer sur leurs compétences, leur aptitude à l’apprentissage
  • dégage du temps pour l’enseignant pour observer ses élèves en activité,
  • permet à l’adulte de consacrer du temps (et de l’énergie !) à une aide personnalisée, à du travail différencié.

2. Tout changement de pratique pédagogique suppose de renoncer aux habitudes et aux valeurs des précédentes. Quels sont les deuils à faire, en tant qu'enseignant, lorsqu'on engage ses élèves vers davantage de coopération en classe ?

Quand on engage les élèves dans des pratiques coopératives, on laisse de côté l’illusion de maîtriser tout ce qui se passe dans la classe. On renonce à la toute puissance de la “Maîtresse” quant au déroulement des activités de chacun.

On accepte que la parole d’un enfant puisse être plus pertinente auprès d’un second enfant que celle de l’Adulte.

3. Faut-il instituer des moments précis consacrés à la coopération et à la valorisation des relations dans l'horaire de la classe ou est-ce mieux de profiter des opportunités qui se présentent au fil des jours et au gré des circonstances ?
Partant, quel équilibre trouver pour les temps de coopération dans l'emploi du temps de la semaine de classe ?

Pour moi, il est plus simple, dans un premier temps, de proposer aux élèves, quel que soit leur âge, des temps de coopération repérés comme tels (travail en ateliers en maternelle, temps de plan de travail, par exemple) en alternance avec des temps collectifs animés par l’enseignant.

Selon les groupes, les âges des enfants, une culture de classe coopérative se met plus ou moins rapidement en place qui conduit à profiter des opportunités dans un second temps, quand adultes et enfants sont en sécurité dans le fonctionnement de la classe.

4. Dans certains groupes classes, la coopération semble assez facile à installer car le climat relationnel est déjà positif. Dans d'autres, par contre, cela semble impossible tant les tensions, les rivalités et les disputes sont présentes au quotidien. Que faire dans ce cas ? Par quoi commencer ?

Que faire ? Difficile de donner une réponse simple… Échanger avec des
collègues en groupe d’étude de pratique ?

Je crois que je commencerais par proposer du choix dans un temps de travail donné pour que chacun se consacre à “son” activité. Puis peut-être des situations de coopérations très structurées suivies de bilans pour mettre en évidence le gain pour chacun (jeux coopératifs en sport, dictée négociée, présentation et reproduction de “bonnes idées” avec les plus jeunes).

6. Certains enfants aiment travailler seuls. Faut-il les contraindre à coopérer ?

“Contraindre” et “coopérer” sont, à mon sens, antinomiques…
Mais je n’ai encore croisé aucun enfant (sauf en très grande problématique personnelle) qui ne trouve pas d'intérêt à la coopération quand la vie de la classe en multiplie les opportunités et quand son propre travail peut s’en trouver facilité, valorisé, enrichi.

7. Apprendre à coopérer, est-ce possible dès la maternelle ? L'enfant de moins de 6 ans n'est-il pas encore trop égocentrique comme l'a montré Piaget ? Selon vous, y a-t-il une progression à respecter ?

Je travaille depuis plusieurs années avec des enfants de 3 ans. Certains coopèrent très simplement.

Pour la plupart, c’est un apprentissage qui me semble passer par la valorisation par l’adulte de leur production individuelle (dans un temps de “présentation” quotidien dans ma classe, par une collecte photographique des “bonnes idées” ).
Production que l’adulte incite à reproduire en faisant appel à la compétence de l’auteur, à l’entraide, à l’intelligence collective, suivant les situations.

Apprentissage qui passe aussi par la déconstruction des modèles adultes qui consistent à faire à la place du jeune enfant…

8. Si coopérer est un apprentissage, faut-il l'évaluer ?

Faut-il évaluer tous les apprentissages ?

9. La coopération à l'école peut prendre bien des visages ... Quelles sont les pratiques qui vous paraissent essentielles ?

Quel que soit le visage de la coopération dans nos classes, je pense que le temps de verbalisation des vécus, de retour dans des moments institutionnalisés, à la mesure des capacités verbales des enfants, ainsi que le souci d’observation, sont nécessaires pour s’assurer que chacun vit effectivement des situations de coopération et non de prise de pouvoir (de l’un ou l’autre) ou d’insécurité.

10. Quels conseils donneriez-vous à un enseignant qui a envie de se lancer, mais n'a aucune expérience dans ce domaine ?

Commencer par UNE situation dans laquelle l’enseignant se sente en sécurité lui-même pour qu’il puisse accompagner ses élèves dans cette aventure.

11. Avez-vous des souvenirs personnels de coopération à l'école, lorsque vous étiez élève ? Ont-ils guidé votre intérêt et votre engagement actuels pour faire en sorte qu'apprendre à l'école ne se limite pas à apprendre tout seul ?

J’ai très peu de souvenirs de coopération à l’école, ou alors c’était de la
coopération “sauvage”, hors de la volonté de l’enseignant !

Par contre, ma culture familiale puis les expériences et les formations en
Animation sont sans doute les bases de cette conviction : on apprend mieux seul à plusieurs...
Bon travail coopératif de formation !

< C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul :